mardi 17 janvier 2017

14 propositions pour remplacer les « Dépêche-toi » et autres « Moi, je m’en vais ! »

14 propositions pour remplacer les « Dépêche-toi » et autres « Moi, je m’en vais ! »

Tandis que nous sommes préoccupés par nos plannings et nos objectifs, le petit enfant est bel et bien ancré dans le présent. Tandis que nous agissons avec des buts à atteindre à plus ou moins long terme, l’enfant expérimente à son rythme ici et maintenant. Essayons de préserver l’insouciance de notre enfant en respectant le plus souvent possible son rythme et sa notion du temps présent.

  • Chanter

Je l’avais testé avec une de mes petites élèves de moyenne section. Elle aimait bien prendre son temps et se faisait régulièrement « enguirlander » par les ATSEM : « Mais tu es encore la dernière, dépêche-toi donc, c’est pas possible d’être aussi lente ! ».
J’étais en remplacement et cela m’a brisé le cœur. Je me suis donc occupée d’elle au moment de mettre chaussures et manteau avant d’aller en recréation : pour la motiver à s’habiller, j’avais inventé une petite chanson avec son prénom et les étapes à suivre pour pouvoir ensuite aller jouer.
L’idée était de personnaliser la chanson sans poser une étiquette négative sur elle, de lui montrer comment s’y prendre (d’abord les chaussures puis le manteau, le bonnet, l’écharpe et enfin les gants) et de lui faire comprendre qu’elle aurait plus de temps pour jouer en s’habillant plus vite.
Et, en tant qu’adultes, quand on chante, on ne s’énerve pas :-).

  • Faire la course

Classique mais efficace :-). Je l’utilise tout le temps avec ma fille mais on aime bien pimenter le jeu. Par exemple, c’est très compliqué de la motiver pour aller à la douche. Du coup, je lui propose de faire la course : « Plutôt en araignée ou en girafe arrière ? ». Et on varie : en pas chassés, en canard, à cloche pieds…
J’aime bien en rajouter. Dernièrement, j’ai eu un accident de mur (j’ai malencontreusement foncé dans le mur en position girafe arrière…).

  • Poser la question : De quoi as-tu besoin avant d’y aller ?

Je recours aussi souvent à cette phrase. Hier encore à la pharmacie, ma fille jouait avec des rails en bois. Une fois que j’eus fini au guichet, elle ne voulait bien sûr pas partir car elle s’amusait trop bien.
Je lui ai demandé ce qu’elle avait envie de faire avant de partir. Elle m’a répondu : « Un dernière technique pour poser les rails ». Je lui ai dit « d’accord » tout en lui précisant que je commençais à m’avancer vers la sortie. Elle a donc fait sa construction, me l’a montrée de loin et a rangé les rails.
Je l’ai attendue sur le perron de la pharmacie en mettant mon bonnet et mes gants histoire de lui montrer que j’étais bien sur le départ tout en l’attendant. Nous sommes reparties tranquillement en parlant des circuits de train et des techniques qu’elle avait utilisées pour construire son circuit.

  • Mettre le minuteur/ prévenir à l’avance

J’ai acheté un Time Timer et je m’en sers régulièrement (un minuteur de cuisine, la sonnerie du réveil ou un sablier font aussi l’affaire mais le Time Timer a l’avantage d’être visuel pour les enfants et d’émettre une sonnerie).
Parfois, je le règle en disant « Dans 5 minutes, on y va », parfois je lui demande de combien de temps elle a besoin pour finir son activité (quand je sais que nous sommes moins pressées).

Plusieurs types de Time Timer sont disponibles sur Amazon :

Vous pouvez aussi vous aider d’une horloge à aiguille (« quand la grande aiguille sera sur le 6, on y va ») ou un cadran numérique (« quand tu verras le nombre 30 à droite, on y va »). Mais cela peut aussi se compter en nombre de tours de toboggan etc…

  • Réfléchir les sentiments de l’enfant

Il nous arrive aussi à nous adultes de ne pas avoir envie de quitter un endroit qu’on aime bien (… notre lit par exemple !)… on sait bien qu’on doit quitter notre lit à un moment ou à un autre mais on va préférer le faire en douceur plutôt qu’être violemment extirpé du lit. C’est pareil pour les enfants :-).
On peut reconnaître le sentiment de l’enfant en lui disant que oui, c’est agréable de jouer au parc et qu’on comprend qu’il n’ait pas envie de partir.
Je comprends que tu ne veuilles pas mettre ton manteau.
Tu as le droit d’être en colère parce que tu ne veux pas partir.
Je vois bien que tu t’amuses et que tu préférerais rester.

  • Parler de nos sentiments

On peut dire à l’enfant l’état dans lequel nous met le fait d’être en retard ou de devoir se presser. On peut l’exprimer de manière non violente en exposant ce que l’on ressent dans une situation donnée et exprimer nos besoins.
Je suis nerveux(se)/impatient(e)/ irrité(e)  quand tu traînes au moment de partir car j’ai besoin de respect/ de soutien/ de compréhension. Je te demande de t’habiller dans les temps convenus pour arriver à l’heure.
C’est le principe de la communication non violente :
Communication Non Violente par Marshall Rosenberg
  • Se rapporter à une situation vécue par nous dans notre enfance

Je me souviens d’une fois où ma fille était particulièrement récalcitrante à aller à l’école. J’ai combiné réfléchir les sentiments et faire la course pour qu’elle daigne s’habiller mais elle traînait toujours dans l’escalier et sur le parking.
Je me suis alors mise à lui parler de ce que je faisais à l’école quand j’avais à peu près son âge, je lui ai raconté des anecdotes, je lui ai expliqué que, dans mon école, le même garçon arrivait toujours en retard car il regardait un épisode de La petite maison dans la prairie jusqu’à la fin avant de revenir en classe ! Il arrivait toujours avec une ou deux minutes de retard tout essoufflé car il avait absolument besoin de regarder l’épisode en entier ! Elle m’a posé des questions sur le garçon en question et sur la série; on n’a pas vu le trajet passer finalement !

  • Proposer des choix et poser des questions impliquantes, engageantes

Il faut que tu mettes ton manteau pour aller dehors, mais tu préfères peut-être rester dans la maison ?
Il pleut dehors  qu’est-ce qu’on met aux pieds quand il pleut ?
Tu as envie de passer par le chemin de l’église ou celui de la mairie pour rentrer ?
  • Jouer

Cela peut passer par le jeu de Jacques a dit. Par exemple, Jacques a dit : »Mettez la chaussure droite », Jacques a dit : »Mettez le bonnet ». Vous pouvez aussi « piéger » l’enfant : « Jouez » ou « Enlevez le manteau »… et non, j’ai pas dit Jacques a dit :-).
Vous pouvez lancer des défis à l’enfant sur le thème de « Je parie que… » : « Je parie que tu n’arrives même pas à appuyer sur le bouton de l’ascenseur avant que je finisse de mettre mes bottes. »
Il est aussi possible de proposer à l’enfant de le porter dans le dos, de faire le cheval, de jouer à la bagarre-poursuite…
A ton avis, qu’est-ce qui va le plus vite : le porté cheval ou le porté escargot ?
Et si on essayait le porté sac à patates ?

  • Attirer son attention vers l’endroit où nous voulons aller

J’ai vu… là dehors.. on va voir ?
Viens vite voir, j’ai vu…
Est-ce que ça t’intéresse de voir… ?
Je crois avoir vu… est-ce que tu l’as vu aussi ?
Si on poursuivait le… que je viens de voir ? Il a tourné par là je crois…

  • Entrer dans l’imaginaire de l’enfant

Si l’enfant ne veut pas partir d’un endroit car il joue ou qu’il veut absolument acheter une chose par exemple, on peut avoir recours à l’imagination : « Tu voudrais cette peluche ? qu’est-ce que tu pourrais faire avec ? moi je ferais ça… A ton avis, elle aurait quelle taille la plus grosse peluche du monde ? ».
L’idée est de continuer à marcher tranquillement tout en parlant et en stimulant l’imagination de l’enfant. Le désir n’a pas forcément besoin d’être comblé mais d’être entendu.
Vous pouvez aussi noter la chose dont l’enfant a envie dans un carnet secret des désirs de Lou/Tom/ Léa/Hugo… Vous pouvez lui dire de garder cette idée dans sa tête pour Noël ou son anniversaire.
Je développe cette idée dans l’article L’imagination au service de l’éducation.

  • Aider l’enfant à trouver une solution

Ce n’est pas forcément évident à faire pendant l’action surtout si l’enfant entre en crise pour ne pas aller ou partir à un endroit. Mais cela pourra se faire en amont en anticipant les difficultés rencontrées (« muscler » le cerveau de l’enfant comme dirait Isabelle Filliozat) ou en aval (après coup, rejouer la scène avec des jouets ou en reparler pour demander à l’enfant ce qu’il ou ce que vous auriez pu faire pour que les choses se passent dans le calme.)
Cela peut se passer dans le cadre d’un temps d’échange en famille par exemple. J’en parle dans cet article : Le temps d’échange en famille : un outil de discipline positive.

  • Dire : « Je commence à m’avancer, tu me rejoins ? » (plutôt que « moi, je m’en vais »)

L’idée n’est pas de « semer » l’enfant ou de lui faire croire qu’on part sans lui mais de signaler le départ et de lui laisser la liberté d’aller à son rythme. Je me souviens une fois à l’aire de jeux, j’ai dit à ma fille  » je commence à y aller, je te laisse le temps de dire au revoir à tes copains et tu me rejoins à l’entrée ». Cela avait très bien fonctionné et je n’ai pas eu besoin de l’attendre plus de 3 minutes.

  • Utiliser la formule « dès que tu es prêt(e) »

La formule « dès que tu es prêt(e) » est utile pour susciter la coopération. Elle présente plusieurs avantages :
  • ne pas imposer une contrainte ingérable pour le cerveau immature de l’enfant
  • laisser du temps à l’enfant pour se préparer mentalement
  • responsabiliser l’enfant
  • permettre la poursuite d’activités ou de jeux qui participent au développement de l’enfant (concentration, socialisation, fonctions exécutives… selon le type d’activités en cours)
  • rappeler à l’enfant que nous lui faisons confiance
Cette formule peut être utilisée dès 3 ans. Par exemple, on pourrait dire « Nous passons à table dans 10 minutes, dès que tu es prêt(e), tu nous rejoins » .

Ces propositions restent de simples propositions issues d’expériences personnelles et de quelques lectures. Cette liste n’est bien sûr pas exhaustive mais est plutôt à prendre comme une source d’inspiration :-). Elles peuvent bien sûr être mixées les unes avec les autres. Parfois, elles fonctionneront dans certaines situations, pas dans d’autres; avec certains enfants, pas avec d’autres.Mais l’idée principale reste de comprendre ce qui se passe dans la tête de l’enfant et de rester présent, attentif aux besoins, aux sentiments de l’enfant.
Quoiqu’il en soit, ces idées ne prennent pas plus de temps à mettre en œuvre que de faire face à d’énormes crises avec tapages de tête par terre et hurlements… parfois, perdre du temps, c’est en gagner !